Ma découverte du Skieveweg
Agnès, mère de Claire
Dans un nuage de feuilles d’automne, nous roulons sur l’E411 en direction du Luxembourg après avoir quitté, à grand regret, le Skieveweg et ses habitants. Le ciel est plutôt gris après une semaine radieuse dehors et dedans, à l’intérieur de nos cœurs ! Je retrouve mes impressions…
Nous avons découvert la vie en colocation du Skieveweg, ce qui signifie beaucoup plus que cette expression administrative et froide.
Nous sommes arrivés jeudi soir 29/10 avec Claire que nous avions retrouvée à la fin de sa journée de travail à Steinfort (Luxembourg).
On monte les deux petites marches pour franchir la porte donnant rue du Progrès, côté pair, côté occupations légales. On arrive dans un couloir au sol couvert d’un carrelage gris et blanc à jolis dessins de style ancien. On est accueilli par le chien Kawaï, qui semble joyeux de voir des nouveaux venus, et on entre dans la salle à manger, toute pleine de présences souriantes autour de la table brun foncé où quantité de mugs, verres, théières, pots… reflètent déjà la vie en commun, tous les repas, en-cas, collations, petits-dèj’ qui se succèdent là, dans une lumière jaune d’or. Les deux chattes, Biscotte et Shiva nous sont déjà connues, mais détiennent chacune sa place bien déterminée qu’elle conserve en reine. Nous sommes présentés à Max, Xavier, Rares, Aline par Claire et Clémence. Enfin, chaque prénom correspond à un visage ! Nous découvrons ensuite l’immense cuisine « peuplée » de ce que chaque membre de la maisonnée utilisera pour se nourrir : ustensile, produit d’épicerie sèche, pot, légume, matériel électroménager, gamelle des chattes et du chien, litière des chattes… tout est soigneusement rangé à une place exacte et invariable, et souvent étiqueté, surtout ce qui se mange. (D’ailleurs à notre tour nous mettrons par la suite nous aussi une pince à linge marquée à notre prénom sur notre verre ou notre mug pour les reconnaître sans erreur). Ah ! près de l’évier, la vaisselle sale en instance attend un volontaire pour la laver, bien empilée dans une cagette, sans déborder sur les plans de travail réservés aux préparations culinaires.
Les matières plastiques et les ustensiles électriques sont bannis de cet endroit où l’on recherche la décroissance vis-à-vis des énergies fossiles et le retour aux matériaux sains et naturels.
Sur le mur carrelé, au-dessus de l’évier, un tableau tracé au marqueur affiche les prénoms de ceux qui ont œuvré à quelque tâche au service du bien commun : balayage, vaisselle…
A l’expérience, ce lieu sent souvent très bon les mets parfumés qui s’y préparent, pleins des saveurs de légumes et fruits locaux et de saison, ou des crêpes fines des petits-déjeuners « de fête ». Rien ne manque !
Bon, revenons à notre première soirée, celle de notre arrivée.
Nous avons ensuite pris le raide escalier aux marches irrégulières couvertes de lino beige pour monter au deuxième étage où Claire et Clémence nous avaient préparé un lit dans leur immense chambre à haut plafond et aux deux grandes fenêtres donnant sur la rue. En passant, on se repère : au premier palier, cabinet de toilette avec WC et lavabo ; au deuxième palier, salle de bains à la baignoire immense. (Un autre lieu de toilette se trouve en bas, donnant sur la cuisine…) Nous repérons la chambre de chacun des habitants, qui doit ressembler à celle de Clémence et Claire : grande et lumineuse, confortablement chauffée par la chaudière à gaz. Nous pourrons prendre nos aises, déployer nos bagages à souhait, et dormir comme des loirs.
Nous avons été accueillis au « Skieveweg » comme des « coqs en pâte » aurait dit ma mère : chacun s’inquiétait de notre bien être, nous demandant le matin si nous avions passé une bonne nuit et, le soir, s’enquérant des activités de notre journée et de la satisfaction de nos désirs !
Les grands moments vécus au Skieveweg :
Dimanche 1er novembre, nous avons inauguré la « journée sans électricité », moments d’anthologie, pas de douche, ce jour-là : chauffage coupé, utilisation minime des lampes de poche et des téléphones portables. C’est bien amusant et ramène au vrai sens des choses !
Le travail au potager : défrichage des haies, désherbage, construction d’un châssis pour que pousse la salade par les frisquettes nuits d’automne, ramassage de salade, de navets et de carottes pour les plats futurs, claie faite par Londé avec les rameaux coupés...
La réunion du dimanche soir, avec toutes les bougies allumées dans la salle à manger, à la lueur desquelles les visages étaient tout auréolés, bruns et dorés… où nous avons eu notre mot à dire : chacun s’y exprime sans qu’on lui coupe la parole, écouté avec bienveillance et attention. L’ordre du jour est suivi, de même qu’on n’oublie pas les instances. Quelqu’un prend des notes et fait un compte-rendu… On pèse les décisions collectives, on avance…
Autres moments particuliers : les séances de coiffure pour tous ceux qui en ont besoin (dont moi !) par ma fille Claire, les jeux de balle avec le chien Kawaï, qui sait parler quand il a urgemment besoin de sortir ! et encore les caresses à la douce Shiva (amatrice de beurre et de sardines) et à la craintive Bibi (uniquement si elle a faim ou si elle dort roulée en boule) !
Mardi 3 novembre, le repas au « Vertigo ASBL » d’Aline, dans le quartier des Marolles, a été une occasion unique de rencontre avec des personnes très riches en vécu et en humanité : Olivier, Pierrot, Christophe, Carole, Evelyne, Hélène et sa mère Chantal, Pierre et deux dames dont je n’ai pas entendu le prénom… Nous nous régalons de la belle assiette végétarienne offerte par Aline, tout affairée à ce que personne ne manque : sa cuisine et la convivialité de l’endroit ont tant de succès qu’il faut rajouter une table et nous relayer pour déguster notre part… en causant sans cesse.
Me voici pleinement rassurée sur la vie de ma chère fille ; je comprends son bonheur à partager cette existence communautaire.
Je reviendrai au Skieveweg (j’aime ce mot, en plus !) dès que je le pourrai !